Retour sur terre après le DevFest Nantes 2018

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Les 18 et 19 octobre 2018 se déroulait le DevFest Nantes, que ses organisateurs et organisatrices décrivent comme « LE festival des développeurs organisé par des développeurs ». Retour sur mon expérience d’oratrice, et sur les conférences auxquelles j’ai assisté et qui m’ont le plus parlé.

Il y a un an, je partageais mon retour d’expérience sur la première conférence que j’ai donnée pour le compte d’Access42 à BlendWebMix.

Un an plus tard, je suis heureuse d’avoir pris la parole à six reprises, dans autant d’évènements différents.

Ma dernière conférence en date a eu lieu le 18 octobre dernier, lors du DevFest Nantes, un évènement gigantesque organisé par le GDG (Google Developers Group) local. Celle-ci a été filmée, et le support de présentation est en ligne, n’hésitez pas à y jeter un œil !

Je dois avouer que le DevFest Nantes m’impressionnait de prime abord :

  • déjà, par son ampleur : le DevFest Nantes accueille 1800 participant·es par jour, plus de 80 speakers, 70 conférences et 4 tracks en parallèle, ce qui a de quoi donner le tournis ;
  • mais je m’interrogeais aussi sur ma légitimité à y donner une conférence : le profil de l’évènement étant très technique, allais-je y trouver ma place, moi l’hybride mi-designer, mi-intégratrice, férue d’accessibilité numérique ? Ma présentation sur la typographie allait-elle trouver son public ? Moi-même, allais-je trouver mon bonheur parmi les présentations proposées ?

Le jour J, ces questionnements se sont vite dissipés (le stress n’y a sans doute pas été étranger).

Ma conférence : « Typographie et accessibilité »

Suite à mon intervention « Typographie et accessibilité » donnée à MiXiT à Lyon en avril dernier, j’ai été invitée à la présenter à nouveau pendant le DevFest Nantes.

Au programme : 45 minutes de réflexion et d’outils pour faire des choix typographiques éclairés en matière d’accessibilité, et créer ainsi des interfaces plus accessibles et plus inclusives, notamment pour les personnes en situation de handicap visuel et/ou cognitif.

Jusqu’à présent, je n’avais jamais rejoué une conférence déjà donnée. J’ai longtemps cru que c’était inutile : dans la mesure où la plupart des évènements sont filmés, je partais du principe que quiconque pouvait voir ou revoir mes conférences en vidéo.

Mais, d’une part, rejouer une conférence plusieurs fois permet de l’améliorer en fonction des retours que l’on a eus, et des lectures complémentaires que l’on a faites entre temps.

D’autre part, tout le monde n’apprécie pas d’écouter une conférence par vidéo interposée. Moi-même, j’ai beaucoup de mal à me concentrer 45 minutes sans rien faire d’autre sur mon ordinateur ou mon téléphone pour écouter la vidéo d’une conférence.

Enfin – et c’est, je crois, le point le plus important – rien ne remplace l’alchimie qui se produit en général lorsque l’on donne et que l’on assiste à une conférence.

Qu’il s’agisse des déclics non verbaux qui peuvent se produire à ce moment-là, ou bien des discussions auxquelles donnent lieu mes prises de parole en public, chaque évènement est l’occasion de faire des rencontres chaleureuses qui m’ouvrent beaucoup de perspectives, notamment lorsque je discute avec des consœurs et confrères qui ont des profils complémentaires au mien.

Marie Guillaumet sur scène
Marie Guillaumet sur scène.Crédit photo : Goulwen Le Fur.
Évaluation de ma conférence
Évaluation de ma conférence.Les personnes ayant assisté à ma conférence étaient invitées à évaluer celle-ci à la fin, grâce à des gommettes à coller sur une feuille divisée en plusieurs cases. La majorité des étoiles ont été collées dans les cases « I learnt a lot », « Great speaker », « Very interesting ». Quelques étoiles ont été collées dans la case « Fun ». Enfin, des étoiles plus disparates ont été collées dans les cases « Too theoretical », « Need more demo » et « Not enough demo », ce qui me donne des pistes concrètes pour améliorer encore ma présentation.

Bien qu’immense, la Cité des congrès a été un véritable cocon pendant les deux jours que j’y ai passés, en particulier grâce à la salle de repos qui avait été prévue pour les speakers. Pouvoir bénéficier d’un endroit calme où recharger ses batteries (au sens propre et au sens figuré) et se concentrer avant le moment de monter sur scène a été un gros plus.

Keynote d’ouverture par Christian Heilmann

Christian Heilmann a donné le coup d’envoi du DevFest Nantes 2018 avec une keynote presque philosophique. Il a invité le public à s’interroger sur ses responsabilités, en tant que développeuses et développeurs.

Il estime que nous avons passé des années à mettre du code en ligne sans vraiment prendre conscience de la responsabilité de ce que cela implique, en termes de performance, d’accessibilité, d’interopérabilité, de sécurité et de maintenabilité.

Il a identifié quelques grands obstacles au fait de se former régulièrement, notamment la « pression de nos pairs » (peer pressure) qui nous fait hésiter à oser admettre que nous ne savons pas tout, mais aussi les délais de production et de livraison de plus en plus serrés (« We’re not paid to learn, we’re paid to deliver »).

En somme, Christian Heilmann nous a offert plein de pistes de réflexion pour produire du meilleur code, et s’interroger davantage sur le « pourquoi » on fait les choses, plutôt que sur le « comment ».

« Où sont les femmes ? » par Sarah Haïm-Lubczanski et Cécilia Bossard

Sarah Haïm-Lubczanski et Cécilia Bossard ont réalisé ce que je croyais impossible : une conférence participative, autour d’un sujet potentiellement clivant ! En l’occurrence, les deux oratrices ont convié le public à trouver collectivement des solutions pour inciter davantage de femmes à prendre la parole lors des conférences techniques.

En effet, les conférences consacrées au développement web sont animées, en écrasante majorité, par des orateurs masculins. Par exemple, en 2018, la proportion d’oratrices pendant le DevFest Nantes n’a été approximativement que de 10%, et ce en dépit d’une tendance à augmenter depuis 2012.

Contrairement à ce que l’on aurait tendance à croire, le problème ne réside pas uniquement dans le manque de confiance en soi et le syndrome de l’imposteur que certaines femmes, pourtant très qualifiées, peuvent ressentir.

Il n’existe pas de baguette magique qui rééquilibrerait le tout, mais tout un tas d’outils et de pistes à creuser pour permettre aux femmes de monter sur scène avec assurance :

  • piocher dans les listes de conférencières qui existent (par exemple Fempire) ;
  • proposer du mentorat pour les conférencières débutantes de la part d’oratrices expérimentées, voire, parfois, présenter une conférence à deux ;
  • s’exercer à prendre la parole en public devant de plus petits comités pour commencer : présentations devant ses collègues ou ses ami·es, meetups, conférences locales plus modestes que les grands évènements nationaux, etc. ;
  • organiser des appels à sujets (CFP, calls for papers) anonymisés ;
  • valoriser l’expertise des professionnelles que l’on invite à donner un talk, sans leur parler de leur genre comme raison principale de la prise de contact ;
  • proposer des « diversity tickets », c’est-à-dire offrir des places gratuites pour un évènement à des groupes de personnes qui y sont habituellement sous-représentées, par exemple à cause d’un prix prohibitif ;
  • en entreprise, donner plus de flexibilité aux collaboratrices préparant une conférence ;
  • mettre en place une crèche sur le lieu de l’évènement pour permettre aux parents n’ayant pas de solution de garde de faire garder leurs jeunes enfants ;
  • etc.

Sarah et Cécilia ont pour projet de mettre à jour leur support de présentation en intégrant les résultats de cette conférence participative.

Elles ont également invité le public à renverser la réflexion et à se demander non pas pourquoi il y a si peu de femmes, mais pourquoi il y a autant d’hommes qui prennent la parole lors de tels évènements. Le fait de voir et revoir certains conférenciers sans arrêt, d’une année sur l’autre, d’un évènement à l’autre, pendant plusieurs années, n’aide pas non plus à diversifier les évènements web.

« Git Dammit! » par Maxime Ghignet

Maxime Ghignet a réussi le pari de réveiller le public du DevFest Nantes le vendredi matin alors qu’il était encore tôt.

À l’aide d’une présentation percutante, il a partagé des astuces Git souvent méconnues, mais très utiles, comme corriger le contenu et/ou le nom d’un commit, réécrire l’historique, supprimer un commit, jusqu’à la solution aux terrifiantes prises de conscience de type « Au secours, j’ai tout cassé ! »…

Ses slides sont en ligne, et constituent une référence simple et pédagogique pour celles et ceux qui, comme moi, ne sont pas développeur ni développeuse.

« Lisibilité et design : construisons ensemble des expériences numériques inclusives », par Damien Senger

J’ai eu plaisir à écouter la conférence de Damien Senger consacrée à la lisibilité sur le web, pour rendre les interfaces web plus inclusives. Alors que je m’inquiétais que nos deux conférences puissent se court-circuiter, parlant d’un thème commun, il s’est avéré qu’elles ont été complémentaires.

Dans sa présentation, Damien a expliqué les mécanismes de lecture, et les difficultés que rencontrent notamment les personnes DYS et neuro-atypiques lorsqu’elles lisent des contenus web. Il a présenté de nombreuses bonnes pratiques de mise en page, par exemple :

  • inclure les idées principales dans les deux premiers paragraphes d’un texte ;
  • baliser correctement le contenu avec une hiérarchie de titres cohérente pour permettre aux utilisatrices et aux utilisateurs de lire plus facilement en diagonale ;
  • utiliser des intitulés de liens précis, éviter les termes trop génériques ;
  • etc.

Sachant que Damien a l’habitude de donner cette présentation en 45 minutes, le fait qu’il ait réussi à la faire tenir dans un créneau moitié moins long sans parler trop vite relève de l’exploit !

« Un joli template ne rendra pas votre produit utilisable », par Stéphanie Walter

Bullshit bingo
Bullshit bingo – Crédit : Stéphanie Walter

On ne présente plus Stéphanie Walter, qui est l’une des figures de proue de l’UX (user experience) en France. Sa conférence a été un véritable coup de cœur, tant son propos était clair, étayé par un retour d’expérience et de nombreux outils, et magnifiquement présenté.

Cette conférence devrait être conseillée à toutes les personnes pour qui l’UX reste un mystère. L’expérience de Stéphanie en matière de recherche utilisateurs et de design, son approche transdisciplinaire, sa pédagogie et son humour lui permettent de s’adresser à un public très large, aussi bien aux technicien·nes qu’aux designers.

En donnant des exemples d’échecs et réussites tirés de vrais projets pour étayer son propos, Stéphanie nous a expliqué pourquoi un joli template ne suffit pas pour garantir une expérience utilisateur optimale. Il est nécessaire de comprendre les besoins des utilisateurs, et d’impliquer ceux-ci dès le début du projet.

L’UX d’un projet repose sur toute l’équipe, et il est nécessaire de favoriser plus de communication et de collaboration entre les équipes de design et les équipes de développement.

Vous pouvez retrouver le résumé et le support de présentation de cette conférence sur le portfolio de Stéphanie.

« Shaving my head made my a better programmer » par Alex Qin

Alex Qin est une développeuse française désormais installée aux États-Unis. Elle a eu le courage de partager avec nous les difficultés qu’elle a rencontrées lorsqu’elle débutait tout juste dans sa vie professionnelle, en particulier le sexisme et le racisme que certains de ses collègues et managers masculins lui ont fait subir.

Elle s’est rendu compte que nos perceptions et nos stéréotypes affectent violemment la communauté dev. Ce n’est qu’à partir du moment où elle a décidé de changer radicalement son apparence physique, en se rasant la tête notamment, qu’elle a commencé à être enfin perçue comme une experte, plutôt que comme une femme.

Du burn-out vers lequel ce harcèlement moral l’a conduite, elle en est ressortie plus déterminée que jamais à mettre son expertise au service de causes justes et inclusives, dont The Code Cooperative, un collectif qui apprend à d’ancien·nes détenu·es à coder pour leur permettre de se réintégrer plus facilement dans la société.

Vous pouvez regarder cette conférence marquante (malheureusement non sous-titrée) sur YouTube.

« Enlarge your team! » par Sébastien Charrier

J’ai terminé le DevFest Nantes en écoutant Sébastien Charrier parler de recrutement : comment mettre toutes les chances de côté pour qu’une équipe grandisse sans heurt.

Avec humilité, il a présenté les erreurs qu’il a lui-même pu commettre dans ce domaine, et les choses qui ont bien fonctionné.

Par exemple, soigner l’arrivée d’un nouveau collaborateur ou d’une nouvelle collaboratrice :

  • veiller à ce qu’une personne dédiée soit disponible le jour J ;
  • arriver à l’heure pour que la nouvelle recrue ne poireaute pas une éternité ;
  • préparer sa machine quelques jours avant pour qu’elle soit opérationnelle à son arrivée.

Sébastien a également conseillé de soigner l’onboarding, et de faciliter la montée en compétences du nouveau ou de la nouvelle :

  • proposer de la documentation ;
  • organiser des revues de code (code reviews) ;
  • mettre en place un processus de formation en interne à propos de tous les sujets possibles et imaginables (code, cadre légal, vie d’équipe, etc.).

Faciliter le départ des salarié·es contribue aussi au recrutement de nouvelles personnes : en effet, les ancien·nes salarié·es sont, de fait, de très bons recruteurs et recruteuses, car ils et elles connaissent très bien l’entreprise et le profil des personnes qui pourraient s’y adapter.

Merci Sébastien pour cette présentation pragmatique, dynamique, qui intéressera toute équipe sur le point de recruter (c’est-à-dire potentiellement tout le monde) !

Conclusion

Le DevFest 2018 aura sans aucun doute été un des temps forts de mon année 2018.

En tant qu’oratrice, ma conférence s’est très bien passée, et les échanges qui ont eu lieu à cette occasion ont été source d’un enrichissement précieux. De plus, j’ai été royalement accueillie par l’équipe du DevFest Nantes : je les remercie encore une fois pour leur professionnalisme et la bienveillance qu’ils et elles m’ont témoignés.

Cette prise de parole m’a également donné des pistes pour la suite, puisque j’ai d’ores et déjà été invitée à donner à nouveau ma présentation « Typographie et accessibilité » lors d’un prochain évènement. Je suis bien évidemment disponible pour donner d’autres conférences de ce genre ailleurs : n’hésitez pas à contacter Access42 à ce sujet !


En tant que participante, j’ai également assisté à des conférences qui m’ont beaucoup intéressée, non seulement sur des aspects techniques (Git notamment) et UX, mais aussi sur des problématiques humaines qui sont plus que jamais d’actualité dans le milieu tech.

Je suis d’ailleurs heureuse que les organisateurs et organisatrices du DevFest Nantes attachent un soin tout particulier à proposer des conférences dites « de découverte », permettant de diversifier un programme par ailleurs très technique – voire parfois trop technique, quand on a un profil de mutante comme moi.

De mon point de vue, le DevFest 2018 a été une grande réussite (notamment en termes de design : toutes ces illustrations, décors et goodies intergalactiques, c’était magnifique !), et j’y retournerai avec plaisir pour bénéficier des échanges et des réflexions stratégiques qui y ont lieu.

À propos

  • Marie Guillaumet

    Directrice de la communication

    Marie Guillaumet est à la fois experte accessibilité numérique et directrice de la communication au sein d’Access42. Forte de 15 ans d’expérience en tant que designer UX/UI et intégratrice web, elle a notamment créé notre programme de formation au design accessible, et continue de l’animer avec enthousiasme.

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